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Reportage: Stoke-on-Trent & son Plan d'action local - quand la céramique devient un produit d'innovation

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09 October 2017
Read time: 9 mins

Non, l'industrie de la céramique n'est pas morte! Elle est même promise à un bel avenir pour peu qu'elle bénéficie de politiques publiques et de stratégies industrielles adaptées. C'est en substance le message porté auprès des pouvoirs publics par le Groupe de Soutien Local URBACT (LSG) de Stoke-on-Trent (Angleterre) et les 8 autres villes partenaires du projet URBACT UNIC (Le réseau urbain pour l'innovation dans la céramique). Nous avons demandé à Rachel Nicholson, chargée du développement économique à la municipalité et coordinatrice du LSG de la ville, de nous exposer les enjeux et atouts d'un plan d'action fédérateur où l'union fait la force.

Afin d'assurer un impact des activités d'échange sur les pratiques et politiques locales, tout partenaire d'un projet URBACT s'engage à mettre sur pied et à animer un Groupe de Soutien Local URBACT.
Ce groupe réunit les principaux porteurs d'intérêt et acteurs locaux concernés par la thématique du projet. Le Groupe de Soutien Local URBACT contribue à la mise en œuvre des activités transnationales et à la production du Plan d'Action Local.

Exemple abouti de stratégie intégrée, PDF icon Download UNIC STOKE ON TRENT Local Action Plan (454.03 KB) a été approuvé par la Commission européenne en mai et est actuellement en cours de déploiement. 

1 - Même si le poids économique du secteur de la céramique de Stoke-on-Trent décline depuis les années 70, son tissu de professionnels est resté dynamique. Pourquoi avoir ressenti le besoin de rejoindre le projet UNIC d'URBACT ?

C'est vrai, Stoke-on-Trent demeure l'un des pôles de la céramique en Grande-Bretagne et ce secteur reste très actif. Pour autant, on ne peut que déplorer une érosion du nombre de manufactures occasionné principalement par la difficulté à concurrencer les acteurs à bas coûts asiatiques : de 600 usines dans les années 70, notre ville n'en compte plus aujourd'hui que 300. Dans le même temps, les emplois directs ont chuté de 50 000 à 8 000, surtout du fait de l'introduction de nouvelles méthodes de production. Ce déclin du poids économique et social de la céramique a eu un impact négatif sur l'image qu'ont les habitants de leur ville : ils pensent que l'industrie de la céramique est morte. Ce qui est loin d'être le cas !

Travailler au sein du projet UNIC permet de montrer au gouvernement britannique que nous faisons partie d’un réseau européen puissant promis à un bel avenir. Dans le cadre de nos actions de lobbying, c’est un argument de poids pour une ville anglaise de taille moyenne (455 000 habitants) comme Stoke-on-Trent ! Le fait de rassembler les acteurs de la céramique autour d'un projet commun nous rend également plus forts mais aussi plus attractifs vis-à-vis des investisseurs.

Ce qui est important c'est qu'au travers de notre Plan d'action local nous avons défini nos objectifs et priorités une bonne fois pour toutes. L'un des exemples les plus flagrants de la réussite de notre Plan d'Action local est que le changement de gouvernement britannique en mai dernier n'a pas été un handicap. Au contraire, nous en avons même fait un tremplin supplémentaire puisque nous avons pu réaliser énormément de lobbying en adressant notre plan stratégique à tous les départements d'Etat.

2- Votre Plan d'Action local est un modèle de développement intégré. Comment a-t-il été élaboré ?

Avant de formaliser notre Plan d’action local, il nous est apparu indispensable de réunir toutes les parties prenantes de la céramique de Stoke-on-Trent et de sa région (industriels, universités, syndicats, etc) autour d’un travail commun de réflexion préalable. Cette étape préparatoire de concertation et de confrontation des points de vue nous a pris 6 mois, au cours desquels nous avons réalisé une analyse complète de la situation actuelle et des enjeux. Ce travail nous a permis de bâtir une vision commune du cluster de la céramique à l'horizon 2025 et des actions à mettre en œuvre pour réaliser cet objectif. Notre Plan d'Action local était  né.
Parallèlement au Plan d'action local réalisé au format souhaité par URBACT, nous avons formalisé un PDF icon Download Ceramics_Launch_Report_in_PDF.pdf (1.05 MB)PDF icon Download Ceramics_Launch_Report_in_PDF.pdf (1.05 MB) qui exprime notre vision 2025 ainsi que les 4 recommandations à mettre en œuvre. Sa réalisation a impliqué les 18 membres de notre Groupe de Soutien Local mais nous avons ouvert la consultation à une cinquantaine d'autres personnes parties prenantes du secteur de la céramique. 

3 - Quels sont les enjeux de ce renouveau pour le secteur de la céramique et la ville ?

Il s'agit d'abord de s'assurer que l'industrie de la céramique reste un des moteurs de l'attractivité économique de la région et qu'elle sera à nouveau en mesure de générer un potentiel croissant d'emplois stables pour les habitants. Pour cela, elle doit disposer du soutien de tous les réseaux disponibles pour pérenniser ses activités, répondre à la demande actuelle et future du marché. Tout le défi aujourd’hui réside dans le déploiement d'une stratégie intégrée qui va permettre d'assurer la transition entre une production industrielle lourde devenue peu compétitive et un modèle économique basé sur l'innovation. La céramique européenne doit devenir un produit de créativité et de haute technologie. Grâce à ses propriétés, notamment sa résistance à la chaleur, la céramique trouve de nouvelles applications, dans le secteur médical, l'aéronautique, l'aérospatial, l'énergie éolienne…
Il y a également un enjeu fort en termes de valorisation. La céramique doit rompre avec son image "d'ustensiles de cuisine". Malgré nos 300 ans d'histoire commune, la céramique reste un produit très actuel et nous avons aussi besoin de séduire nos jeunes diplômés pour qu'ils perpétuent ce savoir-faire. La ville de Stoke-on-Trent est très entrepreneuriale et nous essayons également de convaincre les artistes et les designers à s'intéresser à cette industrie.

4- Selon vous, quels sont les facteurs qui font que votre Plan d'action local est aussi favorablement accueilli au sein de la communauté de la céramique de la ville et aujourd'hui porté d’une même voix ?

Nous avons pu capitaliser sur une excellente base de départ puisqu'il existe une réelle solidarité entre les industriels de la céramique de Stoke-on-Trent et une volonté de travailler ensemble à la réalisation d'une cause commune.
Ensuite, je pense que la stratégie d'ouverture du Groupe de Soutien Local (LSG) et la démarche participative qui a présidé à la réalisation de notre Plan d'action local a été un facteur fédérateur qui a beaucoup séduit. La phase préparatoire de sa réalisation a impliqué la consultation d'une cinquantaine de personnes venues d'horizons très variés (musées, commerces, instances touristiques, etc.). Intégrer autant de partenaires au sein du LSG aurait été contre-productif car trop difficile à gérer mais les réunir autour d'une table pour parler d'un projet qui nous concerne tous a réellement fait sens.
Enfin, Stoke-on-Trent est une ville où les leaders politiques sont actifs et très engagés. En tant qu'agent municipal, j’ai fait en sorte qu'ils soient régulièrement tenus informés de l'avancée de notre travail. Aujourd'hui, ils nous apportent un soutien décisif lorsqu'’il s’agit de faire du lobby auprès de notre Autorité de Gestion et d’obtenir des recommandations pour les financements publics. Je crois que les politiciens en avaient marre de moi à force mais nos efforts ont payé !

5 – Où en êtes-vous dans son déploiement ?

Notre Plan d'action local a été approuvé en mai par le DG Regio de la Commission européenne. Nous y avons formalisé 4 recommandations qui sont mises en œuvre par ordre de priorité. Ainsi, nous avons déjà presque finalisé la première recommandation : la constitution d'un Conseil de développement de la céramique (Ceramic Development Council) composé principalement d'industriels parmi les plus influents. Cette structure de gouvernance va à la fois guider notre stratégie et donner l'impulsion de la réalisation des autres recommandations.
La seconde recommandation, qui porte sur la valorisation touristique de notre réseau de la céramique, est en cours de déploiement. Le gouvernement britannique vient de nous accorder le financement pour développer un salon professionnel de la céramique qui se déroulera en octobre prochain. Cet événement qui a vocation à devenir un rendez-vous annuel sera à la fois une vitrine de notre savoir-faire et un moyen de drainer des investisseurs potentiels afin qu'ils intègrent la céramique dans leurs produits. Nous cherchons actuellement des fonds pour financer le volet formation de cette recommandation. L'objectif est de former les acteurs du secteur de l'accueil touristique que sont les taxis, les réceptionnistes d'hôtels et les agents de voyages, afin d'en faire des ambassadeurs de la céramique auprès des visiteurs.
Enfin, avec certaines villes partenaires d'UNIC nous sommes entrain de monter un projet commun de "Routes de la céramique" touristiques dans le cadre du programme de coopération transfrontalière Interreg.
Au cours des 12 prochains mois, nous allons continuer à déployer notre Plan d’action local, mon objectif étant de réussir à sécuriser les financements nécessaires avant la fin du projet UNIC en juin 2011. 

6 – Quels conseils avez-vous à donner aux autres villes engagées dans un projet URBACT ?

  • Impliquer leur Autorité de Gestion dans le projet de la manière la plus étroite possible. Sa présence au sein du Groupe de Soutien Local est également indispensable.
  • Impliquer l'industrie le plus possible. Ce sont ses acteurs qui créent des emplois, ils sont sur le terrain tous les jours, et ils savent mieux que quiconque défendre leurs besoins. J’ai mis un point d’honneur à ce qu’il y ait un industriel de Stoke-on-Trent différent présent à chacune des réunions des partenaires d'UNIC. Les industriels des villes membres ont d’ailleurs tissé d'excellentes relations.
  • Dans le cadre de la préparation du Plan d'action local, prendre le temps de consulter le plus grand nombre de personnes possible. En tant que représentante de la municipalité, je ne suis qu’une coordinatrice. Ce sont ces parties prenantes au projet qui seront chargées de les déployer donc il est indispensable qu’elles adhèrent aux recommandations dès le départ.
  • Ecouter ses partenaires européens pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Il y a de forte chance que ce qui n’a pas fonctionné il y a 10 ans ailleurs soit également voué à l'échec chez vous. Ainsi, notre Plan d'action local s'inspire des actions qui ont fait leurs preuves dans d'autres villes de la céramique.
  • Enfin, et c'est sans doute la base de la réussite d'un Plan d'action local, prendre du plaisir à travailler ensemble et faire confiance à ses partenaires dans le projet.

Visionnez la vidéo d'une interview de Rachel Nicholson:

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