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Reportage - projet Wood Footprint, des showrooms abandonnés au développement économique

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09 October 2017
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Les villes européennes qui prospéraient grâce à l'industrie du meuble voient aujourd'hui leurs paysages urbains souillés par de vastes bâtiments d’exposition fermés en raison de la crise économique. Le nouveau projet URBACT Wood Footprint qui associe 10 partenaires dans neuf pays réfléchit à la façon de recycler ces bâtiments pour aider au renouveau économique des villes. Alors que le projet vient d'être approuvé pour la phase de mise en oeuvre, voyons de plus près son approche de la question et quelle est la situation dans les villes partenaires.

Portés par l'essor économique du siècle dernier, les consommateurs achetaient volontiers des biens pour aménager leurs logements. De nombreux fabricants de meubles dans toute l'Europe vendaient leurs produits directement au public dans des énormes showrooms. Ces bâtiments hyper fonctionnels étaient souvent hideux. Lorsque la récession et la chute de la demande entraîna leur fermeture, leur laideur se fit encore plus visible, triste évocation d'une prospérité disparue et symbole du dépérissement urbain.

Des villes de bâtiments fantômes

"Ils étaient immenses parce qu'il faut de la place pour exposer les meubles," explique Rui Coutinho, responsable de la communication chez Lead Partner Paços de Ferreira (Portugal). Sa ville est concernée au premier chef par le problème puisque, capitale du meuble du Portugal, 85 % de son économie dépend de ce commerce. "Avec le ralentissement économique, certains de ces grands bâtiments se sont vidés à moitié, voire complètement, ce qui a induit l'énorme problème que nous avons maintenant sur les bras à savoir que la ville est maintenant entourée d'un grand nombre de bâtiments fantômes." Aujourd'hui à Paços de Ferreira on dénombre plus de 100 000 m² de salles d'exposition vides.

Laissés à l'abandon ces bâtiments, souvent vecteurs de chômage, de délabrement urbain et d’insécurité posent de plus à la municipalité la question de la propriété privée de ces locaux commerciaux. Comment encourager les propriétaires privés à recycler leurs bâtiments et comment les aider à promouvoir le développement urbain et les nouveaux emplois ?

Un projet vertical aux retombées plus larges

Paços de Ferreira s'est tournée vers l'Europe pour trouver des villes confrontées à des problèmes similaires et avec qui pouvoir échanger et apprendre. Au cours de la phase de développement de ce projet URBACT en 2012, elle a découvert neuf autres villes intimement liées à la fabrication de mobilier, toutes ayant des difficultés et des objectifs spécifiques. La mise en œuvre du projet Wood Footprint a été approuvée le 28 janvier 2013.
C’est un projet vertical plutôt qu'horizontal qui ne concernent que des villes associées à ce type d’industrie. Les retombées sont par ailleurs plus larges pour la régénération urbaine et le redéploiement économique. Un réseau de contacts et de conseils a été établi dès la réunion de lancement qui s'est tenue à Paços de Ferreira à partir du 13 mars.

Les 10 villes partenaires

Outre Paços de Ferreira, nous trouvons deux villes du Salento dans les Pouilles en Italie méridionale : la toute petite ville de Sternatia et ses 3000 habitants, où les fabricants de mobilier en bois continuent d'investir dans des espaces d'exposition de vente directe ; et la capitale régionale, Lecce, plus représentative de cette région du meuble. Sternatia servira de "ville laboratoire" en mettant à l'épreuve les solutions essayées dans d'autres villes en évitant par la-même les erreurs des autres.

Toujours en Europe du sud deux autres villes ont été touchées par la récession : Larissa en Grèce (200 000 habitants) où de nombreuses fabriques de meubles ont fermé, mettant au chômage des salariés et qui est en grande nécessité de diversification ; et Yecla, dans la région de Murcie en Espagne, qui accueille chaque année un grand salon du mobilier de renommée mondiale.

En Estonie, c'est Tartu, deuxième agglomération de cet Etat balte, qui est ville partenaire. A l'époque soviétique Tartu abritait la plus grande usine nationalisée de fabrication de meubles de l'URSS. Ici le problème n'est pas la récession mais le sort de cette usine depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Aujourd'hui les énormes bâtiments et les alentours sont en grande partie laissés à l’abandon.

En Belgique, à Roulers (Roeselare), là où la brasserie Rodenbach utilisait des fûts en bois, de vieux bâtiments sont en attente de recyclage. Et dans la région frontalière de Monaghan en Irlande existent des groupes d’usines toutes liées à l'industrie du meuble.

Au Royaume-Uni le district de Wycombe abrite depuis 2010 la National School of Furniture (Ecole nationale du meuble). La ville tente de se diversifier à partir de la fabrication de mobilier sur mesure pour relancer son économie. La dernière ville partenaire est Viborg au Danemark. Frappée par la récession de ces dernières années elle abandonne la fabrication et se tourne vers e la haute technologie et les nouveaux médias.

Les cinq thèmes et les villes pilotes

Chaque ville partenaire sera désignée "ville d'accompagnement" ou "ville d'apprentissage" selon différents thèmes de façon à ce que chacune sache vers qui se tourner pour recevoir des conseils.

  • Zone industrielle et croissance (High Wycombe)
  • Diversification (Monaghan)
  • Bâtiments à l'abandon (Viborg)
  • Compétences et emploi (Yecla)
  • Partenariats Public Privé (Paços de Ferreira)

Les villes partenaires sont ouvertes à toutes les solutions : depuis la démolition des bâtiments à leur recyclage pour d'autres destinations, avec déplacement éventuel des fabricants dans de nouvelles zones industrielles. A Tartu des plans existent pour reloger les archives municipales dans l'ancienne usine tandis qu'à Paços de Ferreira la coopération avec l'université de la ville envisage de transformer l'une des salles d'exposition en centre du design de mobilier.

Le phénomène Ikea

L'industrie du meuble a été bouleversée ces dernières décennies par la montée en puissance du groupe Ikea et l'ouverture dans toute l'Europe de magasins offrant des produits bon marché et de bonne facture venant remplacer les objets que l’on se transmettait par héritage. Mais pour Rui Coutinho les fabricants traditionnels ne doivent pas voir ce phénomène comme une menace. La preuve en est que sa ville de Paços de Ferreira possède la plus grande usine de production Ikea d'Europe du sud avec 1500 salariés.

Résultat ? Ikea participe au projet Wood Footprint parce que l'entreprise a aussi l’expérience du recyclage de vieux bâtiments industriels avec la reprise des anciennes unités de production d'Etat en Pologne.

"Nous voulons que le secteur du meuble apprenne du modèle ; il ne s'agit pas de remplacer leurs produits," commente Rui. "Et Ikea sous-traite aux fabricants locaux. Le secteur traditionnel de la fabrication de meubles n'est plus pétrifié de peur devant Ikea ; il s'assoit à la même table et cherche à résoudre les mêmes problèmes. Nous voulons stimuler cela le plus possible."

Les prochaines étapes d'un projet ascendant

Les villes partenaires ont défini toute une série de réunions transnationales sur les 27 prochains mois. La prochaine n'aura pas lieu avant octobre 2013, à High Wycombe. Rui explique : "Ce sera un projet ascendant, le travail démarrant au niveau local et ce sera la partie la plus importante. Au final nous chercherons à tirer parti de tout avec une nouvelle phase de six mois pour finaliser les grands Plans d'action locale, de sorte que chaque partie prenante identifie clairement les problèmes locaux avec des solutions locales."

Quatre autres réunions transnationales sont prévues :
Mars 2014 à Monaghan : Diversification ; Juin 2014 à Viborg : bâtiments abandonnés ; Octobre 2014 à Yecla : Compétences et emploi ; Avril 2015 à Paços de Ferreira, Partenariats Public Privé (Conférence de clôture).

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