Seraing, ville post-industrielle en pleine reconversion, se penche sur le défi de la réactivation de son bâti vacant
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13 February 2020Le point de contact national belge est parti à la rencontre de trois villes qui participent pour la première fois au programme URBACT III (2014-2020) : Seraing, Schaerbeek et Ostende. Ces trois villes belges sont partenaires d’un réseau de transfert depuis 2018. Le principe de ces réseaux de villes est de transférer une bonne pratique (reconnue comme telle par URBACT en 2017, plus d’infos ici) de la ville pilote vers les autres partenaires.
Nous avons souhaité mieux comprendre ce qui les a motivés à participer au programme URBACT, les objectifs qu’elles poursuivent et ce qu’elles ont déjà pu apprendre de leurs échanges jusqu’à présent !
Deuxième rencontre avec la ville de Seraing (Wallonie) et plus précisément avec Eriges, la régie communale autonome en charge de la mise en œuvre du Master Plan, sa stratégie de requalification urbanistique, partenaire du réseau ALT/BAU.
C’est Bénédicte Borckmans, chargée de projets chez Eriges qui a répondu à nos questions :
Zoé Lejeune (ZL) : Quelle a été votre motivation de départ pour entrer dans un réseau URBACT ?
Bénédicte Borckmans (BB) : Ne cherchons pas à réinventer la roue ! Si des bonnes pratiques existent chez nos voisins, il serait dommage de les ignorer. Depuis la naissance de notre Master Plan de requalification urbaine, nous avons toujours favorisé l’échange avec des villes aux profils similaires au nôtre. Le réseau de transfert nous est donc apparu des plus intéressants afin de s’associer à d’autres villes et trouver ensemble une solution à une problématique commune.
ZL : Quelle est la thématique abordée dans votre réseau de transfert ALT/BAU ?
BB : La réactivation d’immeubles inoccupés et dégradés résultant de changements sociaux économiques et démographiques.
ZL : Quels objectifs souhaitez-vous atteindre avec URBACT pour votre ville ?
BB : Seraing est une ville en pleine reconversion post-industrielle. Beaucoup d’aménagements publics transforment les quartiers impactés par la crise sidérurgique, qui connaissent petit à petit un retour de l’attractivité. Néanmoins, pour que la rénovation soit complète, l’effort public doit être assorti d’un effort privé qui malheureusement ne suit pas toujours suffisamment. Nos objectifs spécifiques portent sur trois quartiers ciblés, au sein desquels nous avons réalisé un inventaire de l’habitat, et consistent à : 1. Stimuler les propriétaires privés à participer davantage à l’effort de reconversion ; 2. Faire connaître les opportunités immobilières existantes à Seraing afin d’attirer de nouveaux habitants ; 3. Communiquer auprès des grandes entreprises du territoire afin que davantage de travailleurs viennent vivre à Seraing ; 4. Réactiver les rez-de-chaussée commerciaux vides et créer des accès indépendants aux étages pour y créer des logements.
ZL : Quelles sont vos attentes en termes de résultats à l’issue du partenariat ?
BB : Inspirés par l’exemple de Chemnitz, notre lead partner, nous souhaitons créer un « pôle habitat » afin d’accompagner toute personne, propriétaire ou locataire, en offrant un service « all-in-one » qui facilitera les démarches administratives et répondra à toutes questions relatives au logement, à la rénovation, à la vente ou la location.
A court terme (2020), nous commencerons avec un projet temporaire de pôle habitat centré sur l’aide aux propriétaires. D’ici deux à trois ans, le projet sera étendu à l’ensemble des citoyens. En 2020, nous visons également la mise en œuvre d’une rénovation pilote. L’idée est d’avoir un propriétaire qui rénoverait son bien, sans investissement public, mais en bénéficiant des conseils et du suivi du pôle habitat. Nous espérons ensuite miser sur l’impact de ces premières expériences, rien de tel, en effet, qu’un témoignage positif pour donner l’exemple et lancer la dynamique. Nous visons dans un premier temps, au minimum, la rénovation et réactivation des biens inoccupés nécessitant le moins de rénovation, pour ensuite viser les biens de plus en plus dégradés.
ZL : Quelle valeur ajoutée voyez-vous à ce jour par rapport aux échanges européens avec les autres villes de votre réseau ?
BB : Nous puisons chez chacun de nos partenaires des pratiques inspirantes. Nous rentrons de chacune de nos visites avec le plein d’idées que nous soumettons à notre groupe de travail local et décidons ensemble de la mise en œuvre de certaines d’entre elles. Faire partie d’un réseau URBACT nous stimule et nous fait avancer plus rapidement au niveau local. Certains problèmes légèrement mis de côté se sont « réveillés ». Une meilleure communication s’est mise en place avec les partenaires locaux. Le rôle du lead partner ainsi que du lead expert sont très importants. Ils maintiennent la dynamique du réseau par une communication constante. Ils nous soutiennent, nous orientent et nous conseillent. URBACT va au-delà de l’échange, c’est un véritable partenariat qui se met en place.
ZL : Quelle est votre impression : le transfert vers les autres villes fonctionne-t-il bien ?
BB : Certains partenaires semblent avoir rencontré un peu plus difficultés au démarrage, principalement dues à des lourdeurs administratives. Néanmoins, la motivation est perceptible dans notre réseau. Chaque rencontre est une occasion de voir les avancées de certains mais aussi de trouver des pistes de solutions aux freins qui permettront aux autres d’avancer.
ZL : Dans ce contexte, comment URBACT s'inscrit-il dans une stratégie urbaine globale ?
Seraing met en œuvre depuis plus de dix ans une stratégie globale de requalification de plusieurs quartiers ciblés. Il s’agit d’un véritable puzzle de plusieurs centaines de petits et grands projets mis en œuvre à long terme (30 ans). URBACT est désormais une nouvelle pièce du puzzle qui vient en complément des autres. Nous établissons beaucoup de liens avec d’autres projets en cours. URBACT peut agir comme source d’inspiration et de moteur de certains projets.
ZL : Qu'est-ce qu'URBACT selon vos propres termes ?
BB : Une rencontre avec d’autres villes européennes afin d’élaborer ensemble des pistes de solutions face à une problématique commune.
ZL : Quels sont, selon vous, les avantages du réseau ? Pouvez-vous également souligner une faiblesse des échanges européens avec d'autres villes ? Quels ont été les obstacles que vous avez rencontrés ?
BB : Les avantages du réseau sont multiples : il permet des rencontres et des échanges humains riches, des visites de villes que nous n’aurions peut-être jamais connues autrement, des découvertes de patrimoines et d’histoires très variées ; il est source de motivation, d’inspiration et de découvertes. Nous ne sommes plus seuls face aux problèmes communs rencontrés par les autres villes et trouvons ensemble des solutions : le groupe est un véritable stimulant qui nous permet d’avancer plus vite et plus efficacement au niveau local.
La faiblesse des échanges : une certaine redondance dans les sujets abordés aux réunions, même si les rappels sont aussi parfois utiles ! Les différences de fonctionnement et de structures représentées par les différentes villes font que les solutions ne sont pas applicables partout. Les réalités économique et sociale parfois très différentes d’un partenaire à l’autre rend les solutions communes et les transferts plus compliqués. La différence de niveau d’anglais est parfois un léger frein à une bonne communication avec certains partenaires. Le projet demande un réel investissement en temps ainsi que le soutien de partenaires locaux et notamment les services de la ville en ce qui nous concerne, en tant que « non-city partner »
J’avoue qu’au démarrage du projet j’ai eu un peu peur de la charge de travail demandé. Mais maintenant que je vois les résultats, je re signe à deux mains. J’espère d’ailleurs qu’il nous sera possible d’intégrer un nouveau réseau, dans la continuité du premier, une fois celui-ci terminé. Pour notre prochain transnational meeting, on travaillera en binôme (Seraing-Constanta) à Chemnitz, c’est aussi une démarche intéressante.
Nous devrions aussi envisager des projets d’échanges avec d’autres villes belges ou peu éloignées. Cela pourrait être très intéressant et productif.
ZL : Quels seront, selon vous, les effets de votre réseau en ce qui concerne ?
L’économie et l’innovation : BB : communiquer sur les opportunités immobilières à Seraing devrait permettre d’attirer de nouveaux habitants, investisseurs et porteurs de projet pour la réactivation des rues commerçantes en déclin. L’innovation aussi dans la méthode de contact avec les propriétaires en étant proactifs plutôt que d’attendre qu’ils viennent à nous.
La durabilité : BB : la rénovation des biens induit une remise aux normes des bâtiments et une amélioration en termes de dépenses énergétique et d’environnement.
L’inclusion : BB : La maison de l’habitat a aussi pour objectif de fournir à tous un logement de qualité, ce qui inclut les publics plus défavorisés, démunis face aux procédures administratives ou ayant besoin d’un support financier.
ZL : Pensez-vous que ces effets seront temporaires ou structurels ?
BB : Ils seront structurels. URBACT nous a mis le pied à l’étrier et nous comptons bien ne pas nous arrêter avec la fin du projet. Le service créé avec la Maison de l'Habitat s'inscrit dans le long temre. En outre, nous espérons avoir l'occasion d'intégrer un projet européen complémentaire qui nous permettrait de financement des rénovations.
Plus d’informations sur les projets menés par Eriges : www.eriges.be
Submitted by Fabian Massart on