Comment accélérer la transition des villes vers l'économie circulaire
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28 September 2020Les villes peuvent être pionnières dans la voie de l'économie circulaire par la création et la démonstration de nouveaux modèles commerciaux.
Dans cet article, je présente quelques actions urgentes que les villes peuvent mettre en place et les questions auxquelles elles doivent répondre pour mieux gérer et conserver les ressources.
L'article s'inspire des premières réflexions issues des travaux du réseau de planification d'action URBACT « URGE : Building circular cities », mené par la ville d'Utrecht.
L'article vise à montrer comment les villes peuvent être mieux préparées à remplir leur rôle de contributeurs majeurs à la réalisation des objectifs de durabilité de l'Union européenne et à ouvrir la voie à la mise en œuvre du Green Deal européen.
Un nouvel élan politique
En mars 2020, la Commission européenne a lancé le « Nouveau plan d'action sur l'économie circulaire pour une Europe plus propre et plus compétitive ». Il introduit un cadre politique fort et cohérent qui favorisera les produits, services et modèles commerciaux durables. Il prévoit d'établir de nouveaux modèles de consommation afin de ne pas produire de déchets.
Ce cadre politique identifie les principales chaînes de valeur des produits qui doivent être traitées en priorité. Il s'agit notamment des NTIC, de l'électronique, des batteries et des véhicules, des aliments, de l'eau et des nutriments, des emballages, des plastiques, des textiles, des bâtiments et des infrastructures urbaines.
Par ce nouveau cadre politique, la Commission invite les institutions et les organes de l'UE à contribuer activement à la mise en œuvre de l'économie circulaire. Elle encourage également les États membres à adopter ou à actualiser leurs stratégies, plans et mesures nationaux en matière d'économie circulaire à la lumière de l'ambition globale.
C'est également un domaine dans lequel les villes ont un rôle clé à jouer, notamment pour concevoir, tester et appliquer les principes de l'économie circulaire sur le terrain. Plus important encore, elles doivent élaborer des stratégies et des politiques en vue d'approches sectorielles intégrées.
L'importance de nouveaux marchés
Les stratégies au niveau des villes doivent s'attaquer aux pratiques actuelles de gestion des déchets, en ce compris l'imposition de mesures visant à encourager l'exploitation locale et la réutilisation de matériaux provenant de certains flux de déchets comme « matières premières secondaires » (MPS).
Toutefois, cela ne peut être fait si les normes techniques pertinentes ne sont pas en place pour garantir la performance et la sécurité des MPS. En parallèle, d'autres actions sont nécessaires au niveau opérationnel pour préparer le terrain à une large utilisation des MPS, y compris l'introduction d'incitations pour récompenser l'amélioration des performances en matière de durabilité.
Les villes doivent également être prêtes à évaluer la faisabilité de la mise en place d'un observatoire du marché pour les principaux MPS, à cartographier les flux de matériaux et à permettre l'échange d'informations entre les vendeurs de MPS et les acheteurs potentiels. Ainsi, de nouveaux modèles d'entreprise évolueront, ce qui aura un impact positif sur la création de nouveaux emplois et l'amélioration des capacités humaines.
Les stratégies doivent commencer par la mise en œuvre de telles pratiques dans les marchés publics, étant donné que le pouvoir d'achat des autorités publiques représente 14 % du PIB de l'UE, selon les critères et bonnes pratiques européens en matière de marchés publics écologiques. Il sera essentiel d'influencer et d’adopter de nouvelles législations favorisant une utilisation accrue des MPS.
Sans oublier l'aspect humain
Pour que les nouveaux modèles d'entreprise soient couronnés de succès, il est essentiel de stimuler la demande ; des actions de sensibilisation des citoyens sont indispensables. L'augmentation de la demande stimule l'offre, c'est pourquoi ces actions sont d'une importance majeure.
Il est impératif de veiller à ce que les consommateurs reçoivent des informations fiables et pertinentes sur les produits au point de vente, voire dès la phase de conception le cas échéant (par exemple, dans le cas où ils cherchent à acheter une maison), y compris des informations sur les performances de ces produits tout au long de leur durée de vie et sur la disponibilité des services de réparation, des pièces détachées et des manuels de réparation.
Dans le même temps, il est tout aussi crucial, voire plus, de sensibiliser les professionnels aux avantages de la reconception et du recyclage des matériaux et de s'assurer qu'ils sont capables de les réutiliser dans leurs produits finaux. Cela inclut les ingénieurs qui conçoivent des constructions en tenant compte des principes de l'économie circulaire ou ceux qui conçoivent des processus utilisant des ressources en boucle fermée (c'est-à-dire en symbiose industrielle).
Cette dynamique inclut également les ouvriers, actifs dans différents secteurs et de nombreux autres secteurs du travail manuel, dont la capacité à se conformer à la nouvelle réalité doit également être renforcée. Dans ce contexte, si des mesures sont prises dans ce sens, on peut s'attendre à ce que la circularité ait un effet net positif sur la création d'emplois, à condition que les travailleurs acquièrent les compétences requises par la transition verte.
Le potentiel de l'économie sociale, qui est un pionnier dans la création d'emplois liés à l'économie circulaire, sera encore renforcé par les avantages mutuels du soutien à la transition verte et du renforcement de l'inclusion sociale.
L'importance des approches locales
Les solutions d'économie circulaire au niveau local doivent être adaptées aux conditions et au cadre locaux. Les caractéristiques existantes doivent être prises en considération, notamment autour des « flux de déchets » spécifiques provenant des principales activités économiques locales, de toute dépendance à l'égard des importations de ressources, de l'utilisation actuelle des matériaux et de toute activité d'exportation de déchets.
Au niveau local, les silos entre les départements doivent être brisés pour éviter l'élaboration de politiques unilatérales. En outre, l'économie circulaire devrait être un thème récurrent dans les dialogues avec les citoyens. Cela aidera les villes à identifier et à prioriser les actions qui auraient l'impact le plus important, sur la base d'une évaluation de la réalité locale et des matériaux les plus pertinents à réintégrer dans l'économie.
Le financement et la mise en œuvre des infrastructures locales nécessaires pour soutenir cette transition sont d'une grande importance. Par exemple, des banques de matériaux et des points verts pour le tri à la source, le recyclage, la réutilisation et l'élimination des matériaux vers les utilisateurs finaux sont nécessaires.
Dans ce contexte, l'importance d'adopter une approche intégrée est une fois de plus cruciale. Les nouveaux fonds de la politique de cohésion devraient aider les villes à mettre en œuvre de tels investissements mais il faut un alignement et une coopération des ressources et des parties prenantes à tous les niveaux - européen, national, régional, territorial - et inclure des investissements matériels et immatériels.
La hiérarchisation des actions au niveau local afin de créer des listes hiérarchisées d'interventions accélérant la mise en œuvre du "Green Deal" et la transition vers l'économie circulaire, représente un futur défi pour les villes. Dans ce contexte, des critères locaux supplémentaires pourraient être pris en compte, tels que les effets négatifs sur l'environnement local, les coûts et l'acceptabilité sociale.
Conclusion
La transition vers l'économie circulaire doit être systémique, profonde et transformatrice, au sein de l’Union européenne et au-delà. Pour y parvenir, de nombreuses actions seront nécessaires au niveau local.
Les neuf villes participant au projet URGE semblent avoir une longueur d'avance car elles ont déjà identifié l'importance d'introduire des stratégies, des politiques et des plans locaux pour promouvoir l'économie circulaire. Elles sont également pleinement engagées à approfondir ces questions clés dans les années à venir.
Bien que le réseau URGE se concentre sur le secteur du bâtiment, il devrait être possible de généraliser ses conclusions et de les appliquer à d'autres secteurs. Ce court article cherche déjà à servir de feuille de route pour les actions que les villes doivent considérer de manière critique afin d'évaluer, de prioriser et de mettre en œuvre des actions en faveur de l'économie circulaire.
Ces approches s'inscrivent pleinement dans la stratégie européenne au sens large et visent à placer les villes en position de pionnières dans la mise en œuvre des objectifs de durabilité au niveau de l'UE.
Original article : Eleni FELEKI on 20 May 2020
Submitted by Fabian Massart on