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Les médias sociaux pour renforcer le commerce local : le cas de la Semaest à Paris

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30 August 2018
Read time: 4 minutes

Avec la croissance du commerce électronique et des centres commerciaux à l'extérieur de la ville, les petits commerçants ont beaucoup souffert. Causant la fermeture de nombreux magasins, cela impacte l'économie locale et l'animation de nos rues. C'est pourquoi Semaest, la société de la Ville de Paris chargée de la revitalisation commerciale, a développé diverses stratégies pour renforcer le commerce local. Depuis 2014, ils ont lancé le programme Costo qui met l'accent sur le développement des compétences numériques et la création de liens entre les commerçants locaux et les start-ups numériques.

A Paris, un magasin de jouets artisanaux ou une librairie avec une cafétéria peuvent être de bonnes raisons de visiter des zones qui ne sont pas traditionnellement envahies par les touristes ou fréquentées par des résidents. Cependant, il serait difficile pour les résidents et les touristes d’être constamment informés des nouveaux produits et activités organisés par les magasins situés en dehors du centre-ville sans des portails Web et des pages ou des comptes sur les réseaux sociaux, qui contribuent à rendre ces commerces plus populaire ces dernières années. Partout en Europe, l’utilisation généralisée et croissante des médias sociaux contribue à la visibilité des petits commerces à une époque où le commerce a été révolutionné par les plateformes mondiales telles que Amazon. Paris est tellement engagée dans la défense et le soutien des petits magasins qu’elle a développé une stratégie intégrée qui donne aux médias sociaux un rôle décisif en tant que moteur de la croissance économique. La participation au réseau URBACT Interactive Cities a renforcé le cadre créé par Semaest, la société de planification semi-publique de Paris qui promeut le développement économique et la diversité commerciale dans différents quartiers de la ville.

Une des choses que fait Semaest est d’acheter des magasins abandonnés, puis de les louer à bas prix pour revitaliser des zones de la ville où les petits commerces et services disparaissent progressivement. Cette approche a permis à l'entreprise d'accompagner 465 locataires à travers les différentes étapes de la création de boutiques innovantes et de qualité. Ce dialogue et ce soutien ont sensibilisé Semaest aux risques posés par le commerce électronique pour la survie des entreprises locales, mais aussi aux opportunités liées à l’utilisation d’applications, de portails Web et des médias sociaux pouvant contribuer à rendre les commerces locaux plus attrayants et prospères.

"Nous sommes très conscients des difficultés du secteur de la vente au détail. En 2014, alors que le débat sur le rôle du commerce électronique et des plateformes mondiales augmentait, nous pensions qu'il fallait pousser les commerçants à utiliser les médias sociaux, à avoir un site web ou à être présent sur Google Maps" explique Emmanuelle Emeriau, coordinatrice de projets européens à Semaest.

Afin de répondre aux besoins identifiés par le dialogue avec les locataires de magasins, Semaest a lancé en 2015 CoSto - Connecting Stores, un programme destiné à aider les commerçants et les artisans dans l'utilisation des médias sociaux pour promouvoir leurs activités et attirer de nouveaux clients. Des Meetups et des petits déjeuners avec les responsables des entreprises ont été organisés pour discuter des problèmes et donner des conseils sur la manière dont les médias sociaux pourraient améliorer leur visibilité. Ce qui était censé n'être qu'une activité d'assistance technique sur des sujets numériques devint rapidement un moment crucial dans la création d'une communauté de personnes se conseillant mutuellement et testant des stratégies et des techniques pour tirer le meilleur parti des médias sociaux. Publier régulièrement des contenus sur Facebook ou Instagram, interagir avec les utilisateurs et promouvoir des ventes ou des offres spéciales pour les abonnés est devenu une activité quotidienne pour la plupart des 1250 commerçants impliqués dans le programme, qui ont attiré de nouveaux visiteurs dans des zones multiethniques comme Belleville ou la Goutte d’or ou encore dans la commune voisine de Montreuil.

"Nous constatons vraiment la différence entre 2015 et maintenant. Lorsque nous avons organisé les premières réunions, nous avons dû convaincre le commerçant d'être visible sur Google Maps ou sur Facebook. Maintenant, ils sont convaincus : la formation était gratuite pour eux et, grâce à ce programme, ils ont pu rencontrer des experts en communication, leur donnant des conseils très détaillés sur la narration et les messages à promouvoir sur Facebook ou d'autres plateformes de médias sociaux. Les commerçants connaissent maintenant ces outils, ils connaissent leurs besoins mais leur travail est encore compliqué : ils doivent désormais faire face à la comptabilité et aux fournisseurs, tout en structurant leurs propres stratégies de communication. Nous avons beaucoup de commerçants en difficulté, mais nous avons un tissu et un réseau très riches de magasins et nous leur fournissons un large soutien", Emmanuelle Emeriau.

De nombreuses startups parisiennes se sont également impliquées : l'initiative CoSto a permis aux startups et aux petits magasins de se connecter et de collaborer. L'objectif était de faire des magasins un terrain d'essai pour les produits numériques innovants et les applications développées par de jeunes entrepreneurs. Les appels à propositions lancés par Semaest depuis 2016 ont apporté des « flash tests » de solutions innovantes sur des sujets tels que la livraison durable ou la visibilité en ligne. Certaines de ces expériences ont été consolidées et mieux structurées grâce à la collaboration avec les parties prenantes du groupe local Interactive Cities d’URBACT et ont été intégrées au « CoSto Pack », un ensemble de services et d’initiatives soutenant les commerçants des 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris, les principales zones cibles de Semaest.

La plate-forme numérique Petitscommerces est un exemple intéressant de la façon dont la collaboration entre les startups et les commerces locaux a généré une croissance à la fois dans les secteurs de la distribution et du numérique. Fondée par les startuppers locaux Maxime Bedon et Jonathan Chelet, la plateforme soutient les commerces de proximité dans leur stratégie digitale, en donnant une visibilité à leurs histoires et produits via des articles et des images publiés sur des pages web dédiées mais aussi en leur fournissant des outils utiles sur comment mieux utiliser Facebook ou Instagram. Plus de 200 magasins sont désormais présents sur Petitscommerces.fr et le réseau se développe grâce au bouche à oreille des commerçants. La plateforme étend également sa présence à d'autres villes françaises, telles que Bordeaux et Nantes, et emploie aujourd'hui cinq personnes.

"Nous avons décidé de lancer Petitscommerces.fr car en tant que commerçants (mes parents sont des pharmaciens, les parents de Jonathan sont des bouchers), nous avons réalisé que nos parents n'étaient pas du tout présents sur le web, un problème commun à beaucoup d'autres petits commerçants. Il y a de la force dans le nombre, nous avons donc eu l'idée de les regrouper sur une plateforme qui les rendrait plus visibles sur les moteurs de recherche et les plateformes de médias sociaux", explique Maxime Bedon, fondateur de Petitscommerces.

Produits bio et artisanaux, librairies et instituts de beauté indépendants ne sont que quelques exemples d’organisations présents sur la plateforme, qui dépeint Paris comme une ville où les petits commerces peuvent vraiment faire la différence en proposant des produits et des services de proximité incomparables en termes de qualité. Le dynamisme de Petitscommerces montre non seulement comment la promotion du commerce électronique et l'attraction des clients via les médias sociaux peuvent créer de nouveaux revenus, mais aussi comment le commerce de détail est socialement connecté et acteur du bien-être urbain et de l'urbanisme participatif.

Ces objectifs sont également partagés par CMaRue, une start-up locale qui a lancé en septembre 2017 une application collaborative permettant aux résidents de choisir les entreprises qu'ils souhaiteraient voir dans les magasins vides du 19ème arrondissement. Dans l’un des quartiers de Paris où le nombre de magasins vides est le plus élevé, l’application permet aux habitants d’épingler sur une carte le type de boutiques qu’ils aimeraient avoir dans le quartier : ces préférences sont ensuite transmises aux propriétaires de commerces, qui peuvent utiliser les suggestions pour trouver le bon locataire pour leurs magasins.

"Avec CMaRue, il est possible de mobiliser les gens à l'avance, en faveur d'une activité commerciale et non contre elle, en répondant collectivement aux besoins du quartier", Nadia Tiourtite - Fondatrice de CMaRue.

Dans les premiers mois de test, il y a déjà des résultats positifs : une boutique vide sur le boulevard Indochine accueillera La fabrique Nomade, un atelier animé par des artisans réfugiés grâce à la sensibilisation de CMaRue sur le thème de la réutilisation des espaces.

Petitscommerces et CmaRue sont parmi les partenaires du CoSto Pack qui sera présenté aux commerçants parisiens à travers une campagne de communication commune sur les médias sociaux, le principal résultat du plan d'action intégré du réseau Interactive Cities. La promotion du large éventail d'outils et d'initiatives soutenus par CoSto sur les sujets numériques (parmi lesquels une plateforme de crowdfunding créée par la startup Tudigo et la formation sur les sujets numériques proposées aux chômeurs des quartiers défavorisés) contribue à promouvoir de nouveaux espaces socio-économiques dans la zone nord de Paris et à attirer de nouvelles startups et des investisseurs.

Mais ce n'est pas tout au sujet des affaires. L'utilisation étendue et intégrée des médias sociaux favorise également l'esprit de communauté et le sentiment de solidarité parmi les résidents locaux. Un exemple d’initiative pertinente promue par CoSto est Le Carillon, une association caritative qui crée avec ses outils de médias sociaux un réseau de commerçants qui offrent leur soutien aux personnes sans domicile pour leurs besoins de base, tels que l’utilisation de toilettes ou recharger les téléphones.


Lulu dans ma rue (link is external) est un autre exemple de combinaison entre les outils en ligne et les activités organisées dans des endroits inhabituels : un service de conciergerie de quartier connectant les résidents qui ont besoin de services locaux, tels que des améliorations domiciliaires ou une assistance informatique, et ceux qui peuvent offrir de tels services à un prix réduit.

Concevoir un nouveau rôle des médias sociaux et des plateformes numériques en tant que facilitateur et multiplicateur de solutions co-produites par un réseau de commerçants, de start-ups et de fonctionnaires locaux est la mission accomplie par Interactive Cities à Paris. La ville réinvente le commerce de détail de demain en testant des actions concrètes qui changent progressivement les rues et les quartiers.

A emporter pour d'autres villes

  • Engagez-vous et identifiez les besoins des commerçants locaux : aidez-les à identifier leurs problèmes et comment les solutions numériques peuvent les aider ;
  • Impliquez le quartier : positionnez la relance des magasins non seulement comme une question de petite entreprise individuelle mais aussi comme un objectif commun pour toute la communauté ;
  • Impliquez les start-ups numériques : créez un programme qui aide les commerçants et les start-ups à développer des solutions communes ;
  • Prototype : Créez des solutions pilotes pouvant montrer leur potentiel et pouvant être améliorées
  • Communiquez : il est essentiel de créer un écosystème urbain dans lequel les activités en cours peuvent résonner et toucher un public plus large.

 

Auteur : Daniela Patti, 28/08/2018

Traduction française : Zoé Lejeune