Le citoyen-maire. Participation du citoyen à l’innovation sociale
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20 June 2016Le Forum des affaires sociales Eurocities, qui s’est tenu à Nantes le 16 mars, avait pour thème l’implication du citoyen dans l’innovation sociale. Les villes guident désormais l’Europe sur le terrain de l’innovation sociale dans divers domaines allant de la santé et des soins à l’intégration des migrants. Le message de la conférence était le suivant : afin d’impliquer les citoyens, la ville va devoir se transformer, en particulier en ce qui concerne sa culture interne.
Lors de la réunion ont été présentés de nombreux exemples européens, dont l’étude de cas URBACT portant sur Amersfoort, ainsi que des exemples plus lointains, le plus inspirant provenant peut-être d’une région très éloignée d’Europe. Séoul est largement reconnue comme étant la ville la plus socialement innovante du monde, grâce au leadership de l’ancien citoyen activiste Wonsoon Park, lequel exerce actuellement son second mandat (voir également notre précédente publication ici). Après s’être forgé une réputation en tant qu’avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme dans les années 1980, M. Park a créé en 2002 l’Institut Hope, une entreprise sociale œuvrant à l’amélioration des conditions dans la ville. En 2011, il a été élu en tant qu’indépendant suite à une campagne qui associait médias sociaux et assemblées publiques au cours desquelles les citoyens formulaient leurs propres propositions.
M. Park a pour mantra que le citoyen est maire. Il a concrétisé ce concept au moyen d’une série de politiques radicales qui ont permis d’instaurer un dialogue bilatéral entre l’administration municipale et les 10 millions de citoyens. Ces derniers peuvent devenir maire adjoint le temps d’une journée, de sorte à observer de l’intérieur le fonctionnement de l’administration municipale. Lorsque survient un problème important, M. Park déplace l’administration municipale dans l’arrondissement concerné et y reste jusqu’à ce que le problème soit résolu. Jusqu’à présent, le bureau mobile du maire a été mis en œuvre 19 fois et on lui reconnaît la résolution de quelques-uns des problèmes les plus sévères de la ville.
Séoul est considérée comme la principale ville numérique du monde. Une connexion en wifi gratuite, mais lente, est accessible partout dans la ville, les smartphones y sont omniprésents et on y trouve des milliers de bornes wifi en accès libre. Une douzaine de sites Internet répondent à des besoins spécifiques, allant des interventions d’urgence en cas de tempêtes ou d’attaques terroristes aux futures politiques en matière de financement participatif.
Dans cette ville, le concept de participation est particulièrement exacerbé. Un panel de citoyens sélectionnés au hasard donne ses conseils relativement à un budget annuel de 20 millions USD. 600 salles de réunion municipales ont été ouvertes afin d’accueillir 20 000 réunions citoyennes. Si tout se déroule comme prévu, d’ici 2030, la ville aura réduit ses émissions de carbone de près de 20 millions de tonnes et les particules présentes dans l’air auront diminué de près de 40 %. De nouveaux espaces verts sont créés, dont une réplique de la High Line new-yorkaise aménagée sur une ancienne autoroute urbaine.
La ville est une grande ville avec des centaines d’initiatives de partage à petite échelle, menées par des citoyens, qui leur permettent d’emprunter un costume pour un entretien d’embauche, de faire circuler un livre dans une tour d’habitation, ou si vous êtes étudiant, de partager un appartement avec une personne âgée. Chaque initiative de partage a pour objectif d’introduire des éléments de réciprocité, de communauté et d’activité de sorte à renforcer la cohésion sociale. Les citoyens de Séoul souffrent de stress, d’isolement et d’anxiété comme dans n’importe quelle autre ville. Si l’on considère la Corée du Sud dans son ensemble, les taux de suicide arrivent en deuxième position du classement mondial, les principaux facteurs étant la pauvreté des aînés et le stress chez les jeunes. Le partage est considéré comme un moyen de rétablir le contact entre les citoyens, dont la plupart vivent dans de grandes tours d’habitation, et d’accroître la résilience des communautés.
L’administration à Séoul est tout aussi rigide et difficile à faire évoluer que nos propres administrations municipales européennes. Elle pâtit du compartimentage, de la bureaucratie et du manque d’intégration. L’objectif principal a été de mettre l’accent sur la transformation de la culture interne des 17 000 membres du personnel répartis au sein de 30 services. Une nouvelle approche politique a été élaborée, appelée « Cheong Chek » ou politique de l’écoute.
Lors de la réunion, la façon dont les villes européennes développent de nouvelles solutions a également été décrite. Turin élabore une approche écosystémique de l’innovation sociale et a lancé, fin 2015, le Centre pour l’innovation ouverte.
Un certain nombre de bonnes pratiques nantaises ont été présentées. Parmi celles-ci, un centre de réfugiés hébergeant 70 personnes, dont des familles avec enfants. Le centre offre un soutien global comprenant des services psychologiques étendus afin d’aider les personnes ayant été traumatisées dans leurs pays d’origine.
Procéder de l’extérieur ou bien de l’intérieur ?
Mon sentiment après cette réunion était que la principale question sur laquelle les villes doivent se pencher est de savoir comment contribuer à leurs écosystèmes d’innovation sociale, voire comment les organiser. Elles peuvent le faire « de l’extérieur », ce qui signifie que la ville s’appuie sur des organisations extérieures afin de poursuivre ses ambitions en matière d’innovation sociale, généralement en finançant un ensemble d’organismes indépendants situés dans la ville. Ceux-ci incluent des espaces de travail collaboratifs, des laboratoires, des centres, des pépinières et des instruments financiers ou encore le nouveau modèle que constitue la Social Innovation Factory. Les villes peuvent également procéder « de l’intérieur », lorsqu’elles créent une unité d’innovation au cœur de la ville. Séoul est une grande ville qui a procédé des deux façons, en créant une importante unité au cœur de la ville, mais également en investissant des sommes considérables dans les acteurs de son parc d’innovation sociale, lesquels sont indépendants. La combinaison de ces deux méthodes permet peut-être de bénéficier du meilleur des deux mondes.
Autres exemples européens présentés lors de la réunion
La commune d’Anderlecht, située dans la Région de Bruxelles-Capitale, héberge la toute nouvelle Social Innovation Factory, une espèce d’accélérateur œuvrant à travers la Flandre, qui recourt à une monnaie virtuelle pour le paiement des services d’innovation sociale entre pairs.
Parmi les villes faisant partie du programme URBACT, Gdansk et Paris conduisent des exercices de budget participatif. Gdansk est partenaire principale et Paris est partenaire du nouveau réseau Boost Inno. De son côté, Genève travaille sur les liens qu’elle entretient avec les citoyens sur les médias sociaux et dirige un réseau URBACT sur le même thème appelé « Villes interactives ». Eindhoven, l’un des principaux exemples de villes où existent des approches triple hélice et quadruple hélice, se penche sur la participation citoyenne dans la conception de services avec d’autres partenaires du réseau Change!
Auteur de l'article : Peter RAMSDEN
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