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Des marchés publics favorisant un développement local plus durable : l’expérience européenne de Schaerbeek

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20 March 2020
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Le point de contact national belge est parti à la rencontre de trois villes qui participent pour la première fois au programme URBACT III (2014-2020) : Seraing, Schaerbeek et Ostende. Ces trois villes belges sont partenaires d’un réseau de transfert depuis 2018. Le principe de ces réseaux de villes est de transférer une bonne pratique (reconnue comme telle par URBACT en 2017, plus d’infos ici) de la ville pilote vers les autres partenaires.

Nous avons souhaité mieux comprendre ce qui les a motivés à participer au programme URBACT, les objectifs qu’elles poursuivent et ce qu’elles ont déjà pu apprendre de leurs échanges jusqu’à présent !

Troisième rencontre avec la commune de Schaerbeek (Bruxelles-Capitale) plus précisément avec Valentina Morselli, coordinatrice du groupe local URBACT (ULG) et Maria Giovanna Zamburlini, coordinatrice du projet Making Spend Matter, réseau de six villes s’intéressant à la thématique des marchés publics : comment les rendre plus durables et valoriser les ressources locales ?

Zoé Lejeune (ZL) : Quelle a été votre motivation de départ pour entrer dans un réseau URBACT ?

Valentina Morselli (VM) et Maria Giovanna Zamburlini (MGZ) : nous souhaitions tout d’abord nous doter d’outils méthodologiques permettant d’analyser les pratiques administratives actuelles portantes sur les marchés publics (travaux, services, fournitures). Ensuite, participer au réseau URBACT nous permet de continuer à construire sur l’expérience positive de la Commune de Schaerbeek dans le cadre de projets transnationaux précédents (e.g. Interreg/Bloomberg Philantropy), en termes d’échange de bonnes pratiques dans un réseau de multiples partenaires. Finalement, nous souhaitions favoriser la transversalité entre services communaux : durabilité, clauses sociales et travail entre départements. La dynamique du réseau URBACT permet ainsi de rassembler de nombreuses informations qui se trouvent dans différents services à l’heure actuelle et de systématiser le partage d’informations. Troisièmement, URBACT constitue une expérience concrète pour les agents de ce que l’UE peut représenter concrètement, c’est précieux.

ZL : Quelle est la thématique abordée dans votre réseau ?

VM et MGZ : Le réseau URBACT « Making Spend Matter » est coordonné par la ville de Preston (Royaume-Uni) et composé de six villes partenaires : Schaerbeek (Belgique), Vilanova de Famaliçao (Portugal), Pamplona (Espagne), Kavala (Grèce), Kozalin (Pologne), Bistrita (Roumanie).

Le projet « Making Spend Matter » a comme objectif principal l'identification et mise en valeur des bonnes pratiques dans les marchés publics gérés par des villes. Le label de « Bonnes pratiques » a été décerné à Preston (Royaume-Uni) pour sa capacité à renforcer l’aspect durable (économique et social) de ses marchés publics. Dans le cadre des marchés publics, la commune doit avant tout se conformer à la législation et garantir un processus concurrentiel et transparent. L’objectif est de prendre des décisions en tenant compte des coûts mais aussi de la qualité des produits/services. Parallèlement, Schaerbeek est consciente de l’impact de la dépense publique sur la vie locale et souhaite répondre de manière efficace et cohérente aux défis économiques, sociaux et environnementaux.

Concrètement, cela signifie pour les villes partenaires 1. d’analyser dans quelle mesure les dépenses faites dans le cadre de marchés publics passés par des villes peut faire progresser les pratiques afin de générer plus d’avantages économiques, sociaux et environnementaux et 2. de réfléchir à comment la commune peut agir en consommateur responsable en incluant des critères environnementaux et/ou sociaux dans les appels d’offre. La commune décide d’acheter dans la mesure du possible des produits et des services qui ont un impact positif sur l’environnement ainsi que sur l’économie locale.

Preston a élaboré depuis 2007 une bonne pratique concernant l’analyse des dépenses. Une fois par an, ils étudient tous les marchés publics et tous les soumissionnaires avec qui ils ont travaillé. Ils ont dès lors constaté et ont pu mettre en avant l’importance de la dépense publique pour l’économie et le développement local. Leur constat était le suivant : bien connaitre ses marchés publics permet de maximiser l’impact positif de la dépense locale sur différentes dimensions, notamment la dimension sociale. Environ 14% de toutes les dépenses européennes sont effectuées depuis les communes, elles constituent dès lors un levier important pour l’action publique.

Ce projet URBACT nous pousse à nous interroger sur nos achats, nos matériels, les pratiques de nos fournisseurs (environnemental, de travail, etc.). Cela nous permet d’avoir un double regard vers le passé et vers le futur : partir des dépenses pour pouvoir faire évoluer les pratiques du marché public.

ZL : Quels objectifs souhaitez-vous atteindre grâce à URBACT spécifiquement pour votre ville ?

 

VM et MGZ : La ville leader de notre réseau, Preston, partage avec les villes partenaires la méthodologie pour l’analyse des dépenses engagées lors des marchés publics passés par des autorités locales. L’analyse est basée sur l’identification de données concernant les adjudicataires (localisation, taille, secteur économique…) ainsi que le montant dépensé pour chaque marché public et avec chaque adjudicataire sur une année (en prenant en compte les 300 montants les plus élevés).

Pour Schaerbeek, l’objectif de cette première analyse est d’obtenir des données fiables concernant l’impact des dépenses (travaux / services / fournitures) de la commune de Schaerbeek sur le tissu économique local schaerbeekois, en région de Bruxelles-Capitale et dans les zones limitrophes. Les données identifiées lors de la phase d'analyse serviront à nourrir la réflexion quant aux démarches suivantes : 1. travailler à une stratégie d’achat qui permet de faire correspondre les dépenses avec les valeurs de la commune (notamment, la transition écologique, la lutte contre toute discrimination et la participation citoyenne.), 2. renforcer les démarches d’intégration de clauses environnementales et sociales à dans les marchés publics de la Commune et 3. informer les potentiels prestataires concernant les démarches communales dans le domaine de la durabilité.

ZL : Quelles sont vos attentes en termes de résultats ?

VM et MGZ : Nous avons obtenu, grâce à une analyse des dépenses (qui est achevée) des données fiables qui nous permettent d’identifier les fournisseurs en les classant par taille (PME ou pas), localisation (Schaerbeek ou ailleurs) et selon les secteurs industriels (codes NACE). Preston avait prévu un délai de deux ans pour arriver mais les villes partenaires ont finalisé l’analyse en un an donc nous pouvons désormais aller plus loin au niveau de chaque ville.

Ensuite, nous travaillons à nous assurer que, en plus de répondre à un besoin objectif de la commune, nos marchés publics aient un impact positif sur le territoire schaerbeekois, en intégrant les valeurs écologiques, en renforçant les capacités des PME à répondre à des marchés publics, en améliorant les compétences des travailleurs grâce à l’utilisation de clauses sociales… Pour ce faire, Schaerbeek va rédiger également un plan stratégique « marchés publics durables ».

ZL : Quelle valeur ajoutée avez-vous à ce jour par rapport aux échanges européens avec les autres villes de votre réseau ?

VM et MGZ : Pour nous, le meeting transnational est un moment clef d’échanges. C’est vraiment là qu’on comprend, que l’on met de côté le travail au quotidien afin de comprendre les objectifs et les motivations des autres villes, c’est vraiment inspirant. L’échange de bonnes pratiques dans les réunions transnationales (Vila Nova de Famalicao, Kavala, Bistriţa) permet d’identifier des solutions efficaces à des problématiques communes et de rendre les agents communaux acteurs du processus d’apprentissage et de changement.

ZL : Quelle est votre impression : le transfert vers les autres villes fonctionne-t-il bien ?

VM et MGZ : Nous avons déjà finalisé la « Spend analysis » (analyse des dépenses de 2017 et 2018) et nous avons intégré des clauses pour plusieurs marchés de services : par exemple, les soumissionnaires pour l’organisation des événements festifs de l’été schaerbeekois (« The park to be » et la « Fête de la Cerise ») devaient joindre à leur offre un « plan durabilité », afin de permettre l’évaluation de l’impact des activités sur l’environnement et le tissu social schaerbeekois.

Les villes du réseau ne sont pas forcément comparables toutefois ; ce qui change, ce sont les compétences communales d’un contexte à l’autre, nous constatons que les communes ont de nombreuses compétences en Belgique - écoles (entretenir, construire), voiries, équipements sportifs, gestion du territoire, rénovation urbaine, etc. – et que le budget communal est très important à Schaerbeek, avec de nombreux marchés publics.

Notre réseau fonctionne bien aussi parce que nous avons un très bon suivi par notre lead partner (Preston) et notre lead expert, nous avons de la chance. A Preston, leur bonne pratique était bien définie dès le départ. Ce n’était pas le premier réseau URBACT auquel la ville participait. Avant de devenir ville leader, Preston a participé au réseau Procure (Action Planning Network) avec la ville de Koszalin, qui est également ville partenaire de « Making Spend Matter ». Preston, avec le Lead Expert, avaient déjà réalisé un gros travail de simplification de la bonne pratique en amont et ils avaient mis en place un outil très performant dès le départ. Celui-ci leur permettait de s’interroger sur les systèmes économiques autour de la commune, par exemple « est-ce que ce que je demande aux soumissionnaires est réaliste ? » En travaillant en interne sur les données, cela ouvre l’esprit sur ce qu’il y a autour de la commune.

En termes de diffusion de la bonne pratique en Belgique, Schaerbeek est membre du « groupe de travail intercommunal marchés publics » en Région de Bruxelles-Capitale. Nous avons présenté nos résultats au groupe de travail de février 2019 et en février 2020, ainsi que les objectifs du projet.

ZL : Comment votre participation au réseau URBACT s'inscrit-il dans une stratégie urbaine globale ?

VM et MGZ :  La collaboration et le travail issus du réseau URBACT « Making Spend Matter » se font en cohérence avec d’autres plans stratégiques communaux, notamment le PCDD (Plan Communal de Développement Durable) et le Plan Climat. Les coordinateurs du PCDD et du Plan Climat sont impliqués dans le réseau et cela permet de prendre en considération la durabilité dans tous les projets de la commune. Dans le PCDD et dans le Plan Climat, différentes actions sont prévues et des démarches de durabilité sont déjà mises en place. Le projet URBACT vient dès lors compléter ces initiatives.

ZL : Qu'est-ce qu'URBACT selon vos propres termes ?

VM et MGZ :  URBACT est un voyage à la rencontre des autres, avec des objectifs, des défis et de la réussite. C’est intéressant de rencontrer des collègues européens tous aussi motivés et passionnés par la fonction publique et le service au citoyen. Comme tout voyage (lointain ou proche), on revient changé, ça nous permet d’intégrer de nouvelles connaissances, des expertises et même de nouveaux amis !

ZL : Quels sont, selon vous, les avantages du réseau ? Pouvez-vous également souligner une faiblesse des échanges européens avec d'autres villes ? Quels ont été les obstacles que vous avez rencontrés ?

VM et MGZ :  En ce qui concerne les avantages, d’abord le programme URBACT est solide, il existe depuis plusieurs années, donc la coordination est bien établie, les informations viennent de manière claire, tous les outils mis en place par URBACT sont performants. Ensuite, les réseaux d’experts et l’accompagnement (coordinateur, expert URBACT) – dans notre cas pour renforcer le travail avec les PME et sur les clauses sociales et environnementales – constituent une réelle plus-value. Cela nous permet véritablement d’améliorer nos pratiques en interne sur le long terme.

Une faiblesse du programme est qu’il ne peut pas financer des actions mais uniquement leur préparation, c’est donc une limite. En ce qui concerne les obstacles, savoir communiquer à un grand public via différents canaux (vidéos, twitter, articles…) n’est pas forcement chose aisée. Heureusement le service communication de la commune nous vient en aide !

Ce qu’on en retient, c’est le fonctionnement du projet européen, toutes les dynamiques positives d’entraide.

ZL : Quels seront, selon vous, les effets de votre réseau en ce qui concerne…

    • L’économie/innovation - VM et MGZ : cela nous permet de mieux connaître l’environnement économique dans lequel la commune opère, de réfléchir à la durabilité dans nos marchés et de partager cela avec les entreprises, mais aussi d’apprendre de leurs expériences innovantes ;
    • La durabilité - VM et MGZ : cela nous permet de pousser pour des clauses environnementales plus complètes et pertinentes ;
    • L’inclusion - VM et MGZ : dans certains marchés, on peut, par exemple, favoriser l’intégration des EFT ou d’entreprises sociales et dès lors des interactions avec des secteurs actifs dans l’inclusion dans le travail. C’est tout le travail sur l’intégration de clauses sociales dans les marchés publics, au cœur de nos réflexions.

ZL : Pensez-vous que ces effets seront temporels ou structurels ?

VM et MGZ : Ils seront structurels, au vu de la thématique de notre réseau URBACT.

 

Plus d'infos

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